L’innovation ne se finance pas : elle se relie
Ou comment un sociologue a fait surgir l’idée la plus contre-intuitive de la matinée :
François Henry, enseignant-chercheur à l’ICAM, ouvre la matinée avec une question que peu osent poser dans un événement dédié au financement :
“Et si votre premier levier de développement n’était pas financier, mais relationnel ?”
À travers la théorie du don — héritée de Marcel Mauss — il rappelle une vérité qu’on cache souvent derrière les budgets, les dispositifs et les guichets : Le financement est un acte de confiance. La confiance est un don. Et le don crée de la coopération, donc de la performance.
Sa démonstration s’appuie sur une expérience célèbre : le Trust Game de Kevin McCabe (2003).
Lorsque A donne à B alors qu’il n’est pas obligé de donner, B change son comportement : la réciprocité grimpe. L’opportunisme chute. La performance collective augmente.
En langage d’entrepreneur :
- Quand un incubateur vous soutient sans raison apparente, vous vous dépassez.
- Quand un investisseur croit en vous avant le produit fini, vous accélérez.
- Quand une collectivité mise sur vous, vous vous ancrez dans le territoire.
La confiance transforme les comportements. Et transforme donc les projets.
Le PAradoxe du financement : on pense argent, on oublie le lien
Aujourd’hui, le porteur de projet typique part en quête de financement comme on part en croisade : chiffres impeccables, slides calibrés, KPIs lissés comme un fond de teint haute définition.
Mais François Henry nous rappelle que :
“Trop de prescriptions fait disparaître le don.”
Autrement dit, à force de vouloir être parfait, vous devenez… opaque.
Or, les financeurs européens, nationaux, territoriaux, privés fondent leur choix sur un mélange subtil :
- La solidité économique, certes ;
- Mais aussi, et souvent surtout : la qualité de la relation.
Votre capacité à accueillir le don, à le reconnaître, à le réactiver, devient une compétence entrepreneuriale aussi stratégique que votre business model.
L’innovation ne se finance pas : elle se relie
Financements européens : viser grand, prouver l’impact
Emmanuel Pavageau, moniteur externe à la Commission européenne met les choses au clair :
L’Europe ne finance pas des idées, elle finance des trajectoires, des écosystèmes, des ambitions structurantes.
Pour vous, créateur innovant, cela signifie :
- Parler “impact”, pas seulement “techno” ;
- Penser consortium, pas solitaire ;
- Vous connecter tôt aux relais régionaux et nationaux.
L’Europe ne cherche pas des génies isolés : elle cherche des acteurs capables de faire système.

Financements nationaux et territoriaux : votre chaîne de confiance
Ici, un enseignement simple : chaque guichet n’est pas une case à cocher, mais un étage dans la fusée.
- Bpifrance regarde la scalabilité et la dynamique d’innovation.
- La Région Hauts-de-France cherche l’ancrage territorial et la création de valeur locale.
- La Métropole Européenne de Lille (MEL) veut renforcer les filières et soutenir la croissance métropolitaine.
Votre rôle ? Articuler votre récit pour que chaque financeur voie la partie du don qu’il attend.
Les financements privés : quand l’intime se mêle au rationnel
La banque : le “don raisonnable”
La Caisse d’Épargne l’a rappelé : Une banque aime les projets solides, mais soutient aussi les porteurs solides.
Votre sérieux, votre constance, votre manière de documenter les risques… tout cela construit votre crédibilité.
Les Business Angels : le don le plus humain
Le duo Business Angel / porteur de projet invité l’a montré : le premier investissement d’un Business Angel n’est jamais dans la solution, mais dans l’entrepreneur. Valérie FRANCOIS professeur à l’Université de Lille, spécialiste du sujet, l’a très bien synthétisé dans cet article : « Les Business Angels n’investissent pas dans un projet : ils investissent dans une relation. »
Ce qu’ils cherchent :
- La sincérité ;
- La cohérence ;
- La capacité à apprendre ;
- La posture face au risque.
Dans le monde des Business Angels, la confiance est la monnaie première.

Vade-Mecum : Comment financer son innovation ?
Selon les enseignements de la Master Class
I. Construire la confiance : votre capital invisible
- Parlez vrai.
- Assumez vos fragilités : elles deviennent des repères pour vos partenaires.
- Montrez vos progrès, pas seulement vos succès.
II. Activer l’écosystème : personne ne se finance seul
- Sollicitez les incubateurs : ils sont des “donateurs de première intention”.
- Connectez-vous aux autres porteurs : la confiance circule horizontalement avant de remonter vers les financeurs.
III. Structurer votre demande selon le type de financeur
- Europe : impact, consortium, changement d’échelle.
- Nation / Région / MEL : ancrage, utilité, cohérence territoriale.
- Privés : votre crédibilité personnelle et votre capacité à jouer collectif.
IV. Entretenir la relation
- Un financeur satisfait… parle.
- Un financeur reconnu… recommande.
- Un financeur impliqué… réinvestit.
Le cycle du don doit être réamorcé régulièrement
en conclusion
Financer un projet, c’est accepter d’être vulnérable. Soutenir un projet, c’est accepter d’être responsable.
Entre les deux : la confiance.
La Masterclass l’a confirmé : Les innovations qui réussissent ne sont pas les plus technologiques, ni les plus “pitchées”, ni même les mieux financées. Ce sont celles qui savent créer et entretenir un écosystème de confiance autour d’elles.
Dans un monde où l’accélération est permanente, la confiance n’est plus un supplément d’âme.
C’est le moteur caché de l’innovation, son carburant durable, et peut-être… sa plus grande chance de transformation.
Pour aller plus loin....
#5 | Financer sa startup :
au-delà du mythe de la levée de fonds.
Un podcast réalisé par HDFID en collaboration avec Camille MIRALLIE | BPI & Cosimo PRETE | CST CRIME SCIENCE TECHNOLOGY
