Organisé dans le cadre du projet de recherche STEFI (Start-ups : Trajectoires Entrepreneuriales et Financement de l’Innovation) porté par l’Université de Lille et HDFID et soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), ce séminaire s’inscrivait dans une démarche rare de dialogue entre le monde académique et les investisseurs privés.
Objectif : croiser les approches scientifiques et les retours d’expérience pour mieux comprendre les ressorts du fameux “feeling” qui guide souvent les Business Angels dans leurs choix.
Quand la recherche éclaire la pratique
Les chercheuses Valérie François (Université de Lille) et Céline Barredy (Université Paris-Nanterre) ont ouvert la matinée en présentant les premiers résultats de leurs travaux sur les mécanismes de décision des Business Angels. Avec Thomas Clavier, elles explorent ce que recouvre ce fameux feeling : intuition ? expérience ? critères implicites ?
Leur étude qualitative, menée auprès d’une trentaine de Business Angels, met en lumière la diversité des ressorts motivationnels derrière une décision d’investissement.
Deux grandes tendances émergent :
- une minorité d’investisseurs s’appuie sur une grille d’analyse rationnelle et structurée,
- la majorité revendique un recours assumé à l’intuition et à l’expérience accumulée.
Céline Barredy cherche aujourd’hui à affiner cette typologie d’approches, mais un panel plus large d’investisseurs sera nécessaire pour la consolider.
Avis aux Business Angels : les chercheuses poursuivent leurs travaux et lancent un appel à témoignages !
Regards croisés sur les grandes tendances de l’innovation
La table ronde qui a suivi a réuni Business Angels et experts autour de trois grands domaines d’innovation : santé, énergie et intelligence artificielle.
Objectif : confronter les logiques d’investissement, les temporalités et les critères de choix propres à chaque univers.
Santé : miser sur les dirigeants et le bon timing
- Avec Cathe Lamarque, Business Angel, et Sabeena Kalla, directrice scientifique chez Eurasanté.
Là où les fonds d’investissement privilégient souvent le business plan, les Business Angels du secteur de la santé regardent d’abord la capacité du dirigeant et le time-to-market.
L’entrepreneur est-il capable de tenir la distance ? Et le projet arrive-t-il au bon moment ?
Dans un domaine où les retombées commerciales peuvent mettre des années à se matérialiser, ces deux critères sont décisifs.
Le Business Angel de la santé accorde aussi une grande importance à l’état de l’art scientifique et à l’adéquation au besoin marché.
Cathe Lamarque souligne sa volonté de “se méfier de l’affect” pour rationaliser au mieux ses décisions — un exercice d’équilibriste entre rigueur et intuition.
Énergie : investir dans la transition, avec lucidité
- Avec Armelle Blanchard et Maël Penhoat.
Le secteur de l’énergie, stimulé par la transition écologique et la neutralité carbone visée par l’Europe à l’horizon 2050, attire logiquement de nombreux investisseurs. Mais, comme le rappelle Maël Penhoat, l’enjeu est de repérer les innovations capables d’apporter une solution concrète et rapide à un problème identifié.
Exemple à l’appui : les SMR (Small Modular Reactors), petits réacteurs modulaires décarbonés, adaptés à des usages locaux comme le chauffage urbain.
Pour Armelle Blanchard, la robustesse du modèle économique face au changement climatique est un critère décisif.
Elle alerte aussi sur les paradoxes de l’IA dans la transition énergétique : « En 2024, la consommation électrique mondiale liée à l’IA générative équivalait déjà à celle de la France », souligne-t-elle.
Intelligence artificielle : entre bulle et hyper-spécialisation
- Avec Éric Ibled et Manuel Davy
Difficile d’échapper à la vague de l’intelligence artificielle. Mais dans ce contexte de profusion de projets, comment faire le tri ?
Pour Manuel Davy, mieux vaut privilégier les startups avec un time-to-market maîtrisé et surtout de vraies barrières à l’entrée.
Si la course à l’IA bat son plein, l’hyper-spécialisation pourrait bien être la clé de la création de valeur.
Éric Ibled et Manuel Davy identifient quatre leviers majeurs :
Les données,
Les processus,
Les technologies,
L’esprit d’innovation
Une manière synthétique — et inspirante — de résumer ce qui fait l’“esprit Business Angel”
Le rôle du ressenti et de la confiance
Ce séminaire a permis de confronter analyse académique et terrain de l’investissement, autour d’un sujet rarement exploré : le rôle du ressenti, de la confiance et de la perception humaine dans les décisions financières.
Un échange riche qui montre combien la science et l’intuition peuvent, ensemble, nourrir une meilleure compréhension de l’investissement dans l’innovation.
L’Université de Lille en coopération avec notre agence est fière de pouvoir initier le dialogue entre chercheurs et acteurs privés au bénéfice d’une réflexion sur les enjeux de financements de l’innovation de demain.